La désobéissance civile
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Samedi 10 Mars 2018 - 18h00
Débat organisé dans le cadre des Ouvertures du CDN en lien avec l'acceuil du spectacle Désobéir de la compagnie bisontine Day-for-Night , mis en scène par Anne Monfort, présenté au CDN du 20 au 22 mars 2018 (mardi 20, 20h / mercredi 21, 20h / jeudi 22, 19h + rencontre). La pièce, coproduite par le CDN de Besançon, croise des textes de l’écrivain Mathieu Riboulet sur les luttes des années 70, et un travail documentaire sur des cas de désobéissance civile dans l’Europe d’aujourd’hui.
Qu’est-ce qui pousse à désobéir ? De quoi les colères se nourrissent-elles ? Les limites des uns n’étant pas celles des autres, la désobéissance est un acte fondamentalement subjectif, personnel, un acte qui inscrit l’histoire dans la chair de chacun, mais qui concerne l’ici et maintenant de tous.
Avec Damien Carême, maire de Grande-Synthe (Nord ), Dominique Henry, agricultrice du Haut-Doubs à la retraite, militante de la Confédération Paysanne, Laurence de Cock, essayiste et historienne, chroniqueuse à Mediapart.
Débat animé par Barbara Romagnan, en présence de Anne Monfort, metteure en scène de Désobéir.
Entrée gratuite sur réservation (03 81 88 55 11 ou accueil@cdn-besancon.fr).
Damien Carême
Maire de Grande-Synthe (Nord) Né en Lorraine dans une famille de six enfants, Damien Carême, 56 ans, arrive à Grande-Synthe à l'âge de huit ans, lorsque son père, électricien de formation, est embauché à Usinor, poumon de cette commune côtière de 22 000 habitants dont il devient maire 33 ans plus tard en 2001.Fin 2015, Damien Carême a entamé un bras de fer avec l’Etat. Confronté depuis 2006 à un campement de migrants dans sa ville, cet élu écologiste a vu la situation s’emballer en décembre 2015 quand ils sont passés de quelques dizaines à plus de 2 500. Le tout dans des conditions sanitaires déplorables et en plein centre-ville. Quitte à être traité de "fou", il lance donc le projet de camp : "Pas le choix ! […] Personne ne faisait rien, alors j'ai pris la situation en main avec MSF, je ne voulais pas qu'on s'enlise dans un bourbier comme à Calais", raconte-il dans son bureau de la mairie.« C’était le camp de la honte », dit-il… L’élu de 55 ans se met donc en tête d’accueillir « dignement » les personnes déjà présentes, pour la plupart des Kurdes irakiens qui veulent rejoindre la Grande-Bretagne. Il propose un terrain à quelques kilomètres de là, une langue de terre coincée entre l’A16 et les voies de chemin de fer, tout en espérant que les pouvoirs publics prennent « leurs responsabilités ». Refus du ministère de l’Intérieur qui craint l’appel d’air et la mainmise des passeurs.Malgré la mise en demeure de la préfecture de sécuriser le camp, Damien Carême s’obstine, quitte à devenir pénalement responsable de ce qui se passe sur place. Ce camp ouvert a accueilli plus de 1 300 personnes dans de petits cabanons en bois chauffés. Douches, sanitaires et point d’eau complètent le tableau… Quelques mois plus tard, M. Cazeneuve se rendra sur place, apportant finalement le soutien de l’Etat à l’initiative, et lâchera cette phrase : « On ne peut rien contre la volonté d’un homme. » Damien Carême en a pris conscience :
« Le maire a un pouvoir de faire énorme. C’est la fonction la plus exigeante mais aussi la plus belle parce qu’on a plein de leviers. »
Dominique Henry
Enfant du pays de Montbéliard, fille d’ouvrier Peugeot, elle dénonce le « fichage des militants ». Institutrice pendant vingt ans d’abord, agricultrice à Grand’Combe-des-Bois près du Russey ensuite, Dominique Henry est militante à la Confédération paysanne. Elle participe au printemps 2014 au démontage de la ferme des Mille vaches dans la Somme. « Une action symbolique et pacifiste pour alerter l’opinion sur ces vaches élevées en batterie ». Interpellée, elle refuse avec 3 autres militants de se soumettre à un prélèvement ADN. Pour le démontage, elle est condamnée en appel à une peine symbolique d’amende avec sursis, et obtient parallèlement du tribunal le statut de lanceur d’alerte. Elle refuse à nouveau de se soumettre à un prélèvement ADN après sa condamnation, et comparaît pour refus de prélèvement en 2017 au tribunal de Montbéliard. Un comité de soutien s’est constitué autour d’elle. La Franc-Comtoise se bat contre le fichage des militants « car nos gènes se retrouvent pour 40 ans dans des banques de données dont nous n’avons aucune certitude quant à leur utilisation future. Nous ne sommes pas des terroristes. Ce n’est pas neutre pareil fichier ». Ce fichage a une « triste » et « sombre » résonnance pour Dominique Henry. Elle pense aux communistes, homosexuels, résistants, tziganes fichés par le gouvernement de Vichy… Et les suites que l’on sait. Instauré en 1998, le fichier automatisé des empreintes génétiques concernait exclusivement les délinquants sexuels, avant d’être élargi en 2003 à tous les mis en cause (hors contrevenants).
Laurence de Cock
Essayiste et historienne, chroniqueuse à Mediapart Professeure agrégée d’histoire-géographie, elle a publié des articles sur l'enseignement de l'histoire en France tout en travaillant à une thèse de doctorat en sciences de l'éducation. Elle participe également à la rédaction de plusieurs manuels scolaires, et est chargée de cours en didactique de l'histoire et pédagogie, depuis 2005, à l’université Paris-Diderot. Elle participe à une chronique avec l'historienne Mathilde Larrère sur Mediapart, intitulée « les détricoteuses ». « Les Détricoteuses revisitent l’histoire du français, une langue vivante, changeante, construite comme un instrument de domination. Une histoire faite de coups de force, mais aussi de résistances et de merveilleux métissages qui n’ont aucune raison de cesser. » Détricoter la brûlante actualité pour l’inscrire dans le temps long, faire réfléchir à l’utilité de l’Histoire et à d’autres récits : le rendez-vous mensuel des historiennes Laurence De Cock et Mathilde Larrère s’organise en trois volets.